Sonia Delaunay

Sonia Delaunay

1885 - 1979

Sonia Delaunay est née Sarah Ilinitchna Stern le 14 novembre 1885 dans une famille pauvre de Gradzihsk, près d'Odessa, en Ukraine qui à l'époque fait partie de l'Empire Russe. Elle est la deuxième de cinq enfants. Son père, Elie Stern, travaille dans une usine de clous ou il gravit les échelons grâce à se persévérance, et sa mère, Hannah Terk, sait à peine lire. À l'âge de cinq ans, elle est confiée à son oncle maternel Gherman (francisé plus tard en Henri) Terk, un avocat réputé et fortuné qui travaille pour une banque à Saint-Pétersbourg. Lors de son adoption, elle prend le nom de Sonia Terk. Les raisons et circonstances de cette adoption ne sont pas connues avec certitude.

Dans cette famille riche et cultivée, qui emploie plusieurs servantes et gouvernantes, Sonia reçoit une excellente éducation et apprends le français, l'allemand et l'anglais.

À l'occasion d'un voyage à Berlin la famille visite le peintre Max Liebermann. Sonia est impressionnée par son atelier et ses peintures. Au moment de se quitter Max Liebermann offre à Sonia sa première boîte de couleurs.

Pendant les vacances dans leur maison en Finlande elle aime faire des esquisses. Les deux dessins, datés de 1901, qui ont été conservés montrent qu'elle maîtrisait déjà bien la technique du clair-obscur.

Après avoir dû constater que les académies de Munich et Düsseldorf n'acceptent pas de femmes en tant qu'étudiantes, et, ayant peur que la vie bohémienne de Paris ait une mauvaise influence sur Sonia, ses parents adoptifs lui permettent de suivre les cours d'une école d'art à Karlsruhe en Allemagne. Mais deux années plus tard, à ses vingt ans, elle s'installe à Paris avec trois autres filles russes : Alexandra Exter, Elisabeth Epstein et Marie Vassilyeva. Cette dernière est connue sous le nom de Vassilieff. Malgré sa réticence pour laisser voler sa fille adoptive de ses propres ailes, Henri Terk avait acheté plusieurs nouveaux blocs d'appartements à Saint-Pétersbourg au nom de Sonia pour que celle-ci puisse être financièrement indépendante. Elle suit les cours de l'Académie de la Palette

Lors de sa visite au Salon de l'Automne de 1905, Sonia est séduite par les œuvres d'Henri Matisse, Georges Rouault, André Derain, Maurice Vlaminck et d'autres fauves qui font scandale cette année-là. Peindre n'était plus une question de regarder le sujet, mais de regarder à l'intérieur vers les émotions et les traduire en peinture. Mais elle trouve que les fauves ne vont pas assez loin.

En février 1906 elle rencontre par hasard le galeriste Wilhelm Uhde. Ils deviennent rapidement des amis. Henri Terk trouve qu'une jeune femme ne peut pas rester célibataire et veut qu'elle revienne à Saint Petersbourg pour trouver un mari. Sonia parvient à le convaincre de la laisser vivre encore une année à Paris en laissant paraître que Uhde est candidat possible.

On présente un jeune couple d'artistes à Sonia : Mikhael Larionov et Nathalia Goncharova. Par rapport à eux elle se sent une petite provinciale et est jalouse de leurs idées libres, visionnaires et révolutionnaires. Plus tard Goncharova deviendra sa rivale pour obtenir les faveurs de Serge de Diaghilev afin de pouvoir faire les costumes pour les Ballets Russes.

En octobre1908, Sonia expose pour la première fois, il s'agit de trois tableaux dans la galerie d'Uhde. Wilhelm Uhde veut cacher son homosexualité, qui à cette époque était punissable de prison, et Sonia Terk veut obtenir la permission de rester vivre à Paris tout en gardant ses revenus et garantir son héritage de la famille Terk. Les deux amis se mettent d'accord pour arranger un mariage à Londres qui contente leurs deux familles. De retour à Paris ils partagent un appartement avec Constant, l'amant de Willy. Les deux hommes dorment dans la chambre tandis que Sonia dort sur le canapé. C'est à cette période qu'elle commence ses premières « tapisseries-broderies »

Beaucoup d'artistes viennent dîner chez eux, entre autres Pablo Picasso, Braque, Vlamink, Derain, Kees Van Dongen. C'est ainsi que début 1909, Sonia rencontre Robert Delaunay. Ils font de longues promenades dans la forêt de Meudon, passent ensemble un séjour dans la Drôme et passent de plus en plus de temps ensemble. Elle divorce aussitôt pour se remarier le 15 novembre 1910 avec Robert Delaunay, dont elle est enceinte.

Le 18 janvier 1911 naît un garçon, Charles. Robert loue un hangar pour l'employer comme atelier, Sonia le fait aménager pour le rendre habitable. Sonia réalise sa première œuvre abstraite avec du textile . C'est une couverture pour son fils consistant en un assemblage de coupons de diverses couleurs vives, comme celles qu'elle a vues chez les paysans ukrainiens, elle joue avec les couleurs des tissus comme dans sa peinture.

Les premières années ils vivent très au-dessus de leurs moyens, mais reçoivent tous les dimanches les autres artistes du Salon d'Automne comme Fernand Léger, Juan Gris et Fernand Metzinger ainsi que les amis de Sonia, dont Élisabeth Epstein qui leur présente Vassily Kandinsky.

C'est à cette époque qu’Apollinaire invente le terme Orphisme pour décrire les créations simultanées de Sonia et son mari. Par simultanéité ils entendent l’influence qu'exerce la couleur d'une surface sur celle des surfaces adjacentes. Une théorie que Sonia met en pratique aussi bien avec ses peintures qu'avec ses vêtements. Selon ses dires, Sonia ne voulait pas révolutionner la mode, elle voulait juste amuser. Également se cacher. Elle disait qu'en fait elle était timide, mais que dès qu'elle se déguisait, enveloppée dans ses assemblages, elle se sentait assurée, elle pouvait se projeter, elle était davantage elle même.

Sonia et Robert rencontrent le poète Blaise Cendrars à la table d'Appolinaire au café Flore

Sonia relate ainsi sa rencontre avec Blaise Cendrars : Le mercredi, Apollinaire recevait ses amis dans son nouvel appartement. À une de ses soirées, j’ai vu, assis sur son grand divan, un petit jeune homme frêle et blond, Blaise Cendrars […] Peu après, Cendrars m’apporta La Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France et, très emballée par la beauté de ce texte, je lui proposai de créer un livre haut de deux mètres une fois déplié. Je m’inspirai du texte pour une harmonie de couleurs qui se déroulait parallèlement au poème. Les lettres d’impression furent choisies par nous, de différents types et grandeurs, choses qui étaient révolutionnaires pour l’époque. Le fond du texte était coloré pour s’harmoniser avec l’illustration. […] Les contrastes de couleurs, expliqua Guillaume Apollinaire, habituaient l’œil à lire d’un seul regard l’ensemble d’un poème, comme un chef d’orchestre lit d’un seul coup d’œil les notes superposées dans la partition, parfaite définition de ce que Sonia Delaunay et Blaise Cendrars entendaient par « peinture simultanée ». Il s'agit d'un dépliant de 2 m x 26 cm en parchemin. Le tirage annoncé de 150 exemplaires n’a jamais été achevé et seulement environ soixante-dix exemplaires sont connus. Mis bout à bout, les 150 exemplaires initialement prévus devaient atteindre la hauteur de la Tour Eiffel, cette tour qui fascinait Cendrars et Robert Delaunay et que Sonia Delaunay représente en rouge en bas de La Prose. En 2014, un exemplaire à été vendu chez Sotheby's pour 253 500 €

En février 1914 Cedrars écrit également un poème à propos de Sonia. La scène du poème est représentée par un espace urbain précis : le Bal Bullier, qui était fréquenté par plusieurs protagonistes de l’avant-garde parisienne. Un endroit de divertissements, mais aussi de rencontre, choisi par les Delaunay pour proposer leur « réforme du costume », comme l’affirme Apollinaire en écrivant « M. et Mme Delaunay sont des novateurs. Ils ne s’embarrassent pas de l’imitation des modes anciennes, et comme ils veulent être de leurs temps, ils ne cherchent point à innover dans la forme de la coupe des vêtements, suivant en cela la mode du jour, mais ils cherchent à influencer en utilisant des matières nouvelles infiniment variées de couleurs. »

Sur la robe elle a un corps

Le corps de la femme est aussi bosselé que mon crâne
Glorieuse
Si tu t’incarnes avec esprit
Les couturiers font un sot métier
Autant que la phrénologie
Mes yeux sont des kilos qui pèsent la sensualité des femmes
Tout ce qui fuit, saille avance dans la profondeur
Les étoiles creusent le ciel
Les couleurs déshabillent
« Sur la robe elle a un corps »
Sous les bras des bruyères mains lunules et pistils quand les eaux se déversent dans le dos avec les omoplates glauques
Le ventre un disque qui bouge
La double coque des seins passe sous le pont des arcs-en-ciel
Ventre
Disque
Soleil
Les cris perpendiculaires des couleurs tombent sur les cuisses
ÉPÉE DE SAINT MICHEL
Il y a des mains qui se tendent
Il y a dans la traîne la bête tous les yeux toutes les fanfares tous les habitués du Bal Bullier
Et sur la hanche
La signature du poète

En août 1914, les Delaunays font un voyage en Espagne et passent leur vacances à Fontarabie. Mais la guerre éclate et ils décident de ne pas retourner en France, un an plus tard ils vont au Portugal. Cela n’empêche pas Sonia d'exposer seule à Stockholm.

Les Delaunay sont non seulement le premier couple d’artistes qui ait durablement fonctionné sur le mode de l’initiative partagée, mais les premiers à avoir fait de leur couple une cellule de production et de leur nom une marque. Leur volonté délibérée de créer le mouvement par le contraste des couleurs les mène à se tourner vers la danse et le ballet théâtral. Le couple cherche également des applications à ses découvertes en arts décoratifs.

C'est de la rencontre avec Diaghilev que naît l'inspiration. Diaghilev décide de reprendre le ballet Cléopâtre déjà présent à Saint-Pétersbourg en 1908 sous le titre Nuit d'Égyptenote.

Diaghilev aime beaucoup l'emploi de la couleur comme élément dramatique, il propose aux Delaunay de collaborer avec lui. Mais Robert et Sonia veulent garder leur indépendance et ils se limitent à la réalisation des décors dont Robert fait la maquette, et des costumes créés par Sonia.

En 1920 Sonia retourne définitivement à Paris. Sans abandonner la peinture, Sonia met toute l'énergie de ses recherches dans le costume.

Sonia Delaunay, Hélice
Hélice - décoration pour le « Palais de l'air », Exposition internationale des Arts et Techniques, Paris
1937
Skissernas Museum, Lund, Suède
Sonia Delaunay, Deux fillettes finlandaises
Deux filettes finlandaises
1907
huile sur toile - 60,5 x 79 cm
Sonia Delaunay, Rithme
Rithme - décoration pour le 15e Salon des Tuileries
1938
Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris
Sonia Delaunay, Rythme couleur no 1076
Rythme Couleur no. 1076
1939
Centre National des Arts Plastiques, Paris
Sonia Delaunay, Prismes électriques
Prismes électriques
1914
Huile sur toile - 250 x 250 cm
Musée National d'Art Moderne, Centre George Pompidou, Paris

Source principale :

Sonia Delaunay, Artist of the Lost Generation, Axel Madsen, 2015, Open Road Distribution, New York