Paris 31 octobre 1883 - 8 juin 1956
Au début du siècle dernier, l'art de Marie Laurencin se
perd dans l'ombre de son chevalier servant Guillaume Apollinaire comme
se perdit Camille Claudel dans celui d'Auguste Rodin au point de ne plus
savoir qui elle était. Comme telle, elle fut considérée
comme une muse passive de l'art cubiste au talent limité, opinion
qu'Apollinaire a encouragée de déclarations paternalistes
pour Marie comme «elle est heureuse, bonne, spirituelle et elle a
tant de talent!» ou comme « C'est un petit soleil; c'est Moi dans
la forme féminine! »
D'ailleurs, leur ami le douanier Rousseau exposera un tableau intitulé
« La muse inspirant le poète » au salon des indépendants
de 1909 qui présente le double portrait de Marie Laurencin et de
Guillaume Apollinaire. Ce tableau fit scandale car on proclama que ce
tableau n'était pas ressemblant. Il valut d'ailleurs la célèbre
remarque du poète s'écrianté :« Si je ne suis pas ressemblant,
comment avez-vous pu me reconnaître ?»
Dans ce monde de peintres masculins et d'hommes de Lettres, Marie Laurencin trouve sa place et ce n'est pas une mince affaire pour cette jeune fille née de père inconnu. La femme doit se battre bec et ongles pour trouver une place honorable dans le monde des arts et des Lettres. Certaines d'entre elles ont essuyé des échecs. Mesdames Lesueur et Gréville, deux femmes de Lettres, ont essayé de se faire élire au Comité des gens de Lettres; elles ont reçu une réplique cinglante d'Octave Mirbeau qui publie dans « Le Journal d'avril 1900 » « La femme n'est pas un cerveau, elle est un sexe et c'est bien beau. » et il ajoute « Quelques femmes -exceptions rarissimes- ont pu donner, soit dans l'art, soit dans la littérature, l'illusion d'une force créatrice. Mais ce sont des êtres anormaux où de simples reflets de mâle. »
Marie Laurencin est adoptée par tous ces hommes des ateliers de compagnonnage par son talent On a sévèrement dit que son seul mérite est d'avoir été le témoin des grands artistes cubistes et d'avant garde comme Picasso et Georges Braque et qu'elle avait seulement gagné l'accès à ce groupe grâce aux faveurs accordées par Guillaume Apollinaire. C'est faux! Marie Laurencin a commencé à peindre en 1902, cinq ans avant sa rencontre avec Picasso et Apollinaire, tordant ainsi le cou aux appréciations calomnieuses qui annonçaient ses débuts de peintre en 1908 année de sa rencontre avec Apollinaire et Picasso et illustrée par son tableau le plus connu« Apollinaire et ses amis » où l'on voit de gauche à droite : Picasso, Marie Laurencin, Apollinaire, Fernande Olivier (qui était alors la compagne de Picasso).
En 1907, Marie Laurencin expose pour la première fois au salon des Indépendants. Cette même année Picasso lui fait connaître Guillaume Apollinaire. De cette rencontre, naîtra une liaison aussi passionnée que tumultueuse qui durera jusqu'en 1912. En 1914 elle épouse le baron Otto von Wätjen, qu'elle a rencontré l'année précédente. Le couple s'exile en Espagne dès la déclaration de guerre d'abord à Madrid puis à Barcelone. Elle s'associe avec les artistes Sonia et Robert Delaunay grâce à une rencontre organisée par Francis Picabia pour lequel elle compose des poèmes qui paraissent dans la revue d'art en 1917. Elle revient à Paris en 1920.
Son style particulièrement poétique de couleurs fluides et douces, une simplification croissante de la composition, une prédilection pour certaines formes féminines allongées et gracieuses lui permettront bientôt d'occuper une place privilégiée au coeur du Paris mondain des années vingt.
Elle noue des liens profonds et féconds avec de nombreux écrivains pour lesquels elle illustre certaines œuvres : Gide, Max Jacob, Saint-John Perse, Marcel Jouhandeau, Jean Paulhan, Lewis Carroll et bien d'autres.
Devenue portraitiste officielle du milieu mondain féminin (Nicole Groult, Coco Chanel) après 1920, Marie Laurencin s'illustre encore comme décoratrice pour le ballet « les biches » de Poulenc (1924), puis pour l'Opéra Comique, la Comédie Française et les Ballets de Roland Petit au Théâtre des Champs Élysées.