1907 -1997
Henriette Théodora Markovitch naît à Paris le 22 novembre 1907. Son père, Joseph Markovich, est un architecte croate qui est venu s'installer à Paris. Sa mère, Julie Voisin est originaire de Tours.
Quand Théodora a trois ans, la famille part s'installer à Buenos Aires, où le père obtient des commandes importantes. Dora raconte qu'enfant elle souffrait des disputes incessantes de ses parents ainsi que d'un manque total d'intimité. La porte de sa chambre était vitrée et pourvue d'un rideau à l'extérieur, de sorte qu'elle se sentait constamment épiée.
C'est au début de l'année 1920 que Dora réalise ses premières photos. Malgré son jeune âge, le choix des sujets et les compositions particulièrement bien soignées témoignent déjà d'une recherche artistique originale.
En 1926 elle rentre en France avec ses parents. Elle suit les cours de l'Ecole de Photographie, mais aussi de l'Union Centrale des Arts Décoratifs où elle rencontre pour la première fois Jacqueline Lamba. Elles resteront amies toute leur vie. Plus tard elle suivra également les cours de l'Académie Julian et à l'atelier d'André Lhote. C'est à cette époque qu'elle contracte son nom et adopte le pseudonyme de Dora Maar. Constatant que ses photographies ont plus de succès que ses peintures, elle délaisse la peinture pour se consacrer entièrement à la photographie. Bien plus tard, Picasso, qui n'aimait pas son travail de photographe, l'incitera à reprendre ses pinceaux.
Dora, avec son comportement radicalement non-conformiste et ses tenues
vestimentaires extravagantes, l'intellectuelle aux yeux bleus, cheveux
noirs et des mains parfaitement manucurées tombait immanquablement
dans le goût des surréalistes. En 1933 Dora rencontre Georges
Bataille par d'intermédiaire de Masses, une association d'extrême
gauche dont ils sont membres à cette époque. Elle est immédiatement
attirée par son intelligence et ses idées politiques. Durant
sa liaison avec Bataille elle se prête aux jeux érotiques
compliqués de son amant et son entourage. C'est également
à cette époque qu'elle fait la connaissance d'André
Breton.
Le surréalisme était bien plus qu'un style. C'était
un des mouvements artistiques les plus organisés qu'ait connu le
vingtième siècle; à sa tête le pape André
Breton régnait en maître absolu.
Bien que Dora prenne activement part aux manifestations surréalistes,
tout comme les autres femmes, elle n'apparaît pas sur les photos
officielles du groupe.
Fin 1935 Dora Maar rencontre Picasso. En juin de cet année, Olga
Khoklova et lui, s'étaient séparés après presque
dix-sept ans de mariage et il venait d'avoir une fille avec Marie-Thérèse
Walter.
Il y a plusieurs versions du récit de la première rencontre
de Dora et Picasso. On lira ici celle de Jean-Paul Crespelle dans son
livre Picasso : les femmes, les amis, l'uvre (Presses de
la Cité, Paris, 1967), qui, vraie ou non, est emblématique
de l'érotisme tel qu'il était vécu dans le milieu
surréaliste que fréquentait Dora et ses amis.
Picasso est installé en compagnie de son ami Paul Eluard au café
des Deux Magots quand il remarque, assise à une table voisine,
une belle jeune femme brune au regard intense.
Il est fasciné par le visage grave de la jeune femme éclairé
par deux yeux bleus dont d'épais sourcils accusent la clarté
; un visage à la fois sensible et inquiet, parcouru de lumières
et d'ombres. Dora Maar se livre à un jeu étrange qui l'intrigue
: entre ses doigts elle plante un petit canif pointu dans le bois de la
table. Parfois, elle rate son coup et une goutte de sang vient perler
entre les roses brodées sur ses gants noirs. Picasso demande à
Eluard de les présenter, et s'adresse tout naturellement à
Dora en français ; elle lui répond en espagnol, sachant
que c'est la langue maternelle de Picasso. Plus tard ils quittent le café
ensemble et, sur le trottoir Picasso demande à Dora de lui offrir
ses gants en souvenir de leur rencontre. Il les enfermera dans la vitrine
réservée aux reliques.
Quelques semaines plus tard Pablo invite Dora chez lui. C'est le début
d'une relation très forte et mouvementée qui durera huit
ans. Il est son dieu, tandis qu'aux yeux de Picasso les femmes ne sont
que des accessoires interchangeables pour agrémenter la vie, et
il n'hésite pas à le lui faire sentir. Elle dira plus tard : « Je n'ai jamais été l'amante de Picasso, il était
mon maître ».
De ruptures en réconciliations, leur relation connaît des moments difficiles pour se terminer de façon déchirante en 1943. En effet, la séparation se passe très mal. Dora est dévorée par le chagrin et la jalousie. Picasso ne rate aucune occasion pour raviver les blessures en lui infligeant des humiliations perverses. Sombrant lentement dans la folie. Dora parvint à surmonter l'épreuve grâce à son ami Jacques Lacan. Après elle se coupe entièrement du monde et de ses amis pour se murer dans sa maison à Ménerbes, l'été et dans son appartement à Paris, l'hiver.
Autre compagne de Picasso : Françoise Gilot