Allemagne, 1876 - 1907
Paula Becker est née le 8 février 1876 est le troisième enfant au sein d’une fratrie de cinq sœurs et un frère, un autre frère étant mort à deux ans. Son père, Carl Woldemar Becker, était ingénieur de métier et un homme cultivé et ouvert sur le monde, sa mère Mathilde von Bültzingslöwen descendait d’une illustre famille de la noblesse de Thuringe. Malgré cela la famille menait une vie relativement modeste.
La mort de sa cousine Cora est un événement triste et émouvant qui marqua Paula, alors âgée de dix ans. Avec ses deux cousines Cora et Maidli Parizot, elle joue dans une carrière de sable près de Dresde. Soudain, une des parois s'effondre et enterre la petite Cora sous elle. Les deux autres filles peuvent encore se sauver, mais Cora étouffe sous la masse de sable. Paula décrit cet événement des années plus tard dans une lettre à son ami Rainer Maria Rilke : « Cet enfant a été le premier événement de ma vie. » Et « Avec elle, la première lueur de conscience est venue dans ma vie. »
La formation artistique de Paula commence par sa visite au printemps 1892, non loin de Londres, chez la demi-sœur de son père, tante Marie Hill. La famille envoie Paula là-bas parce qu'ils espèrent que sa tante lui enseignera comment tenir une maison tout en lui apprenant l’anglais. Elle passe beaucoup de temps à l'extérieur; elle aime faire des promenades, observe les environs ruraux du domaine familial et pratique le dessin et le croquis de plantes et d'animaux. Initialement, Paula reçoit des cours de dessin privés, puis son père s’arrange pour qu'elle assiste à un cours de plusieurs semaines à la célèbre London School of Arts.
Pour satisfaire à la volonté de son père, elle suit, de 1883 à 1885, une formation d’enseignante.
Grâce au soutien financier de la branche maternelle de sa famille, Paula Becker peut se rendre à Berlin au début de l’année 1896 afin d’y suivre des cours de dessin et de peinture auprès de l’Association des artistes berlinoises, car à cette époque les femmes n’étaient pas encore admises à l’académie. Toute la famille espère que Paula pourra vite subvenir à ses besoins grâce à son art, mais malgré tous les avertissements Paula, sûre d’elle, reste fidèle à son style de peinture expérimentale pas commercial du tout. Ce qui aura comme effet que sa famille l’accuse de cruauté et d’ingratitude.
Un autre tournant profond dans la vie de Paula est sa première visite à Worpswede en 1897. La famille Becker visite cet endroit à l'occasion de l'anniversaire de mariage en argent des parents. Worpswede s'est fait connaître à la fin du XIXe siècle grâce à la colonie d'artistes qui s'y était installée. Les artistes de Worpswede voient leurs œuvres comme une réaction contre l'art académique en vogue. L'art allemand de cette époque se caractérise par une vision très romantique, d'inspiration nationale et héroïque. C'est l'époque de la peinture de paysage réaliste.
En septembre 1898, Paula s'installe au village des artistes du Worpsweder Heide et suit les cours du peintre local Fritz Mackensen. Là, elle rencontre une autre élève, Clara Westhoff, future sculptrice qui restera son amie pour le restant de sa vie. Paula Becker hérite une somme d'argent substantielle qui lui permet de louer une maison pour la durée de son séjour à Worpswede. Paula et Clara rencontrent le poète Rainer Maria Rilke. Ils se comprennent tout de suite et se sentent très liés l'une à l'autre. Rilke admire beaucoup Paula, il épousera son amie Clara.
Le réveillon du Nouvel An 1900, Paula monte dans le train pour Paris. Elle rêve depuis longtemps de ce voyage qui devra lui permettre de développer son art. Paris était alors le lieu de rencontre par excellence de tous les courants artistiques européens. Beaucoup d’artistes qui deviendront célèbres, tel que Claude Monet, Édouard Manet, Edgar Degas et les Allemands comme Emil Nolde, Bernhard Hoetger ou Käthe Kollwitz séjournent également à Paris. Ils ont l'occasion d’échanger avec d'autres artistes et esprits libres de l'époque. Bien qu'ils se battent encore pour leur reconnaissance, leurs œuvres sont exposées.
Paula suit des cours de dessin à l’académie de Philippo Colarossi. L’avantage de ce genre d’école est qu'il n'y a pas de concours d'entrée et que les femmes y sont admises. L'un des plus grands rêves des étudiants en art qui s'y forment est d'être accepté par le jury annuel du Salon de Paris. Car celui qui y parvient appartient au groupe des artistes reconnus et est assuré de trouver des acheteurs. Paula Becker se fascine pour l'œuvre de Paul Cézanne, alors totalement inconnu. Elle dira de lui qu’il est l'un des trois ou quatre grands maîtres qui eurent sur elle l'effet d'une tempête.
En 1901, Paula Becker épouse l'artiste Otto Modersohn. Elle avait appris à le connaître et à l'apprécier très tôt dans le village de Worpswede. Otto a onze ans de plus que Paula et peut déjà bien vivre de son art. Les parents de Paula sont ravis, car ce mariage garantit la stabilité financière de leur fille et ils espèrent également que cela apportera une attitude plus terre-à-terre à leur fille. Otto aime le calme et la solitude tandis que Paula a besoin de l’effervescence de Paris. D’ailleurs, se sentant à l’étroit à Worpswede, elle retourne seule à Paris en 1903, 1905 et 1906.
Au contact de l’art d’avant-garde, elle se détourne de plus en plus de l’école de Worpswede. Les œuvres de Cézanne, Rodin, Gauguin et d’autres artistes français – tels que les nabis – la poussent à privilégier des formes simplifiées et des couleurs relevant du symbolisme et non plus de la nature.
À l’âge de 31 ans, Paula donne naissance à une fille le 2 novembre 1907. Le 20 novembre, elle meurt soudainement d’une embolie pulmonaire.