Marie-Guillemine Benoist

Marie-Guillemine Benoist, Autoportrait
Autoportrait (détail)
1790

1768 - 1826

Née à Paris le 18 décembre 1768, Marie Guillemine Le Roulx de la Ville est la fille d'un fonctionnaire royal. En 1781 et 1782 elle étudie avec Élisabeth Vigée-Lebrun. En 1786, elle suit, en même temps que sa sœur Marie Élisabeth, les cours de Jacques-Louis David.

Dès 1784 elle expose des tableaux de genre et des portraits à l'Exposition de la Jeunesse. Mais elle veut aller plus loin et ne pas se limiter aux genres « mineurs » que l'on permet traditionnellement aux femmes de peindre. Plus tard elle expose également des tableaux historiques aux Salons parisiens, de 1791 à 1812. En 1791, elle expose pour la première fois au salon un tableau inspiré de la mythologie : Psyché faisant ses adieux à sa famille.

À la même époque elle réalise un tableau intitulé L’Innocence entre la vertu et le vice, où de façon inhabituelle le vice est représenté par un homme au lieu d'une femme : une jeune femme, vêtue à l'antique, résiste aux avances d'un beau jeune homme, représentant le Vice, et fuit vers la sévère figure féminine de la Vertu, qui désigne le chemin menant au temple de la gloire ou de l'immortalité.

Elle épouse en 1793 l’avocat Pierre-Vincent Benoist, ils auront deux fils (nés en 1794 et 1796) et une fille (née en 1801). Son mari est royaliste, et pendant la révolution c'est elle qui doit subvenir aux besoins de la famille.

Marie-Guillemine Benoist doit une partie de sa réputation de peintre au Portrait d'une négresse, exposée au Salon de 1800, et inspirée par l'abolition de l'esclavage six ans plus tôt. Ce tableau a permis à Benoist d'obtenir une bourse qu'elle a utilisée pour ouvrir une école d'art réservée aux femmes. Marie-Guillemine Benoist reçoit un traitement du gouvernement français et est appelée en 1803 à la cour pour exécuter un portrait de Napoléon et sa famille. En 1818 le Portrait d'une négresse est acheté par Louis XVIII.

Au sommet de sa notoriété, elle doit cependant abandonner définitivement sa carrière de peintre professionnel. En 1814 on propose à son mari la fonction conseiller d'État au sein du gouvernement de la restauration et une épouse peintre le mettrait en sérieuse difficulté face au sens moral dominant. Dans les réflexions qu'elle a laissées sur ce chapitre très douloureux de sa vie, Marie-Guillemine Benoist dit toute la déception et toute l'amertume que lui a causée une décision prise en fonction de ce qu'elle appelle un préjugé social qui voit dans l'art le signe d'une vie sans règles et pour cette raison peu respectable pour une femme.

En 1821, elle réalise encore une Vierge à l'Enfant pour la cathédrale d'Angers. Elle meurt à Paris le 8 octobre 1826.


Séverine Sofio écrit ce qui suit dans la revue Actes de la Recherche en Sciences Sociales. « La notion de vocation s’impose comme un enjeu essentiel dans les débats qui précèdent et accompagnent la réforme des organes officiels de formation et de reconnaissance des artistes au cours de la Révolution. S’opposent alors, en effet, deux partis : l’un, mené par le peintre Jacques-Louis David, réclame la suppression de l’Académie royale de peinture et de sculpture au nom de la liberté, afin de refonder la politique artistique nationale au moyen d’une succession de concours officiels, autour du respect de la vocation, critère « naturel » de sélection entre les artistes ; l’autre parti, mené notamment par la portraitiste Adélaïde Labille-Guiard, consciente de l’importance de la période de formation dans les carrières artistiques, prône plutôt une vaste réforme de l’Académie autour de l’idéal d’égalité : égalité entre les arts, entre les artistes et entre les sexes. Le débat, qui voit se recomposer les alliances nouées à ce sujet dans les dernières années de l’Ancien Régime et se solde par le triomphe du parti de David, se cristallise en fait autour de la question de l’acceptation ou non des femmes au sein des sociétés d’artistes, c’est-à-dire de la conciliation – finalement jugée impossible – entre vocation artistique et « vocation domestique ». Les artistes femmes, qui avaient jusque-là largement bénéficié du soutien des partisans de David, ayant en commun avec eux la nécessité de subvertir les règles du système académique, se retrouvent donc, à la fin des années 1790, dans une situation tout à fait paradoxale : majoritairement formées par ceux mêmes qui leur refusent la reconnaissance institutionnelle au nom d’une vocation dont elles ne peuvent théoriquement pas (ou plus) se réclamer, elles sont pourtant, dans le contexte économique difficile de la France révolutionnaire, plus nombreuses que jamais à exercer l’art professionnellement. »

Lire l'article complet : La vocation comme subversion dans Actes de la Recherche en Sciences Sociales 2007/3 (n° 168) Éd. Le Seuil

Marie-Guillemine Benoist, Portrait d'une négresse
Portrait d'une négresse
1800
Huile sur toile - 81 x 65 cm
Musée du Louvre
Marie-Guillemine Benoist, Le someil de l'enfance et celui de la vieillesse
Le sommeil de l'enfance et celui de la vieillesse
Huile sur toile - 118 x 89 cm
Collection particulière
Marie-Guillemine Benoist, L'innocence entre le Vice et la Vertu
L'Innocence entre le Vice et la Vertu
1790
Huile sur toile - 87 x 115 cm
Collection particulière
Marie Guilhelmine Benoist, Portrait de Elisa Bonaparte, grande duchesse de Toscane
Portrait de Elisa Bonaparte, grande duchesse de Toscane
Env. 1805
Huile sur toile - 214 x 129 cm
Museo Nazionale di Villa Guinigi, Lucques, Italie