Une diligence du type « turgotine » comme celles qui reliaient Paris à Lyon à la fin du XVIIIe siècle
LETTRES A LA PRINCESSE KOURAKIN.
LETTRE XII.
Mon enfance. — Mes parens. — Je suis mise au couvent. — Ma passion pour la peinture — Société de mon père — Doyen. Poinsinet. — Davesne. — Ma sortie du couvent. — Mon frère
1789 — Terreur dont je suis frappée. —Je me réfugie chez Brongniart. — MM. de Sombreuil. — Paméla. — Le 5 octobre. — On va chercher la famille royale à Versailles. — Je quitte Paris. — Mes compagnons dans la diligence. — Je passe les monts.
L'affreuse année de 1789 était commencée, et la terreur
s'emparait déjà de tous les esprits sages. Je me rappelle parfaitement
qu'un soir où j'avais réuni du monde chez moi pour un concert, la
plus grande partie des personnes qui m'arrivaient, entraient avec
l'air consterné; elles avaient été le matin à la promenade de Longchamp;
la populace, rassemblée à la barrière de l'étoile, avait injurié
de la façon la plus effrayante les gens qui passaient en voiture;
des misérables montaient sur les marchepieds en criant : « L'année
prochaine, vous serez derrière vos carrosses, c'est nous qui serons
dedans! » et mille autres propos plus infames encore. Ces récits,
comme vous pouvez croire, attristèrent beaucoup ma soirée; je me
souviens d'avoir remarqué que la personne la moins effrayée était
madame de Villette, la belle et bonne de Voltaire. Quant à moi,
j'avais peu besoin d'apprendre de nouveaux détails pour entrevoir
les horreurs qui se préparaient. Je savais, à n'en pouvoir douter,
que ma maison, rue du Gros-Chenet, où je venais de m'établir depuis
trois mois seulement, était marquée par les malfaiteurs. On jetait
du soufre dans mes caves par les soupiraux. Si j'étais à ma fenêtre,
de grossiers sans-culottes me menaçaient du poing; mille bruits
sinistres m'arrivaient de tous les côtés; enfin, je ne vivais plus
que dans un état d'anxiété et de chagrin profond.
Ma santé s'altérait sensiblement,
et deux de mes bons amis, Brongniart, l'architecte, et sa femme,
étant venus me voir, me trouvèrent si maigre et si changée, qu'ils
me conjurèrent de venir passer quelques jours chez eux, ce que j'acceptai
avec reconnaisance. Brongniart avait son logement aux Invalides;
je fus conduite chez lui par un médecin attaché au Palais-Royal,
et dont les gens portaient la livrée d'Orléans, la seule qui fût
alors respectée. On me donna le meilleur lit. Comme je ne pouvais
pas manger, on me nourrissait avec d'excellent vin de Bordeaux et
du bouillon, et madame Brongniart ne me quittait pas.. Tant de soins
auraient dû me calmer, outre que mes amis voyaient beaucoup moins
en noir que moi; mais il était impossible de me rassurer contre
les maux que je prévoyais. — A. quoi bon vivre ? à quoi bon se soigner?
disais-je souvent à mes bons amis; car l'effroi que m'inspirait
l'avenir me faisait prendre la vie en dégoût; et pourtant il faut
le dire, si loin que put aller mon imagination, je ne devinais qu'une
partie des crimes qui se sont commis plus tard.
Je me rappelle avoir soupe chez Brongniart
avec l'excellent M. de Sombreuil, alors gouverneur des Invalides.
Il nous dit savoir qu'on devait venir s'emparer des armes qu'il
tenait en dépôt. — Mais, ajouta-t-il, je les ai si bien cachées que
je défie bien qu'ils les trouvent. Ce brave homme ne songeait pas
qu'on ne pouvait alors compter que sur soi-même. Comme les armes
ne tardèrent pas à être enlevées, il faut croire qu'il fut trahi
par les gens de l'hôtel qu'il avait employés.
M. de Sombreuil, aussi recommandable
par ses vertus privées que par ses talens militaires, s'est trouvé
au nombre des prisonniers que l'on devait immoler dans les prisons
le 2 septembre. Les assassins accordèrent sa vie aux larmes, aux
supplications de son héroïque fille; mais, atroces jusque dans le
pardon, ils forcèrent mademoiselle de Sombreuil à boire un verre
du sang qui coulait à flots devant la prison! et pendant fort long-temps,
la vue de tout ce qui portait la couleur rouge causait d'horribles
vomissemens à cette jeune infortunée. Plus tard (en 1794), M. de
Sombreuil fut envoyé à l'échafaud par le tribunal révolutionnaire.
Ces deux évènemens ont inspiré au poète Legouvé le plus beau de
ses vers :
Des bourreaux l'ont absous, des juges l'ont frappé.
M. de Sombreuil avait laissé un fils, très distingué
par son caractère et par sa bravoure. Il commandait un des régimens
venus d'Angleterre à Quiberon vers la fin de 1795. La Convention
nationale ayant violé la capitulation souscrite par le général Hoche,
M. de Sombrenil reçut la mort comme un brave; il ne voulut pas qu'on
lui bandât les yeux, et commanda lui-même le feu. Tallien, au moment
de l'exécution, lui dit;— Monsieur, vous êtes d'une famille bien
malheureuse. — J'étais venu la venger, répondit M. de Sombreuil,
mais je ne puis que l'imiter.
Madame Brongniart me menait promener
derrière les Invalides; il y avait tout près de là quelques refaisons
de paysans. Comme nous étions assises contre une de ces masures,
nous entendîmes causer entre eux deux hommes qui ne pouvaient nous
voir. — Veux-tu gagner dix francs, disait l'un, viens avec nous
faire le train. Il ne s'agit que de crier : Abas celui-ci! à bas
celui-là! et surtout de crier bien fort contre Cayonne. — Dix francs
sont bons à gagner, répondait l'autre; mais n'aurons nous pas des
taloches? — Allons donc! reprit le premier, c'est nous qui les donnons
les taloches. Vous jugez de l'effet que faisaient sur moi de pareils
dialogues!
Le lendemain du jour dont je vous
parle, nous passions devant la grille des Invalides où se trouvait
une foule immense, composée de ce vilain monde qui se promenait
habituellement sous les galeries du Palais-Royal; tous gens sans
aveu et sans habits, qui n'étaient ni ouvriers, ni paysans, auxquels
on ne pouvait supposer un état, sinon celui de bandit, tant leurs
figures étaient effrayantes. Madame Brongniart, plus courageuse
que moi, s'efforçait de me rassurer; mais j'avais une telle peur,
que je reprenais le chemin de la maison, quand nous vîmes arriver
de loin une jeune personne à cheval, qui portait un habit d'amazone
et un chapeau ombragé de plumes noires. A l'instant, l'horrible
bande forme la haie de deux côtés pour laisser passer au milieu
d'elle la jeune personne, que suivaient deux piqueurs à la livrée
d'Orléans. Je reconnus aussitôt cette belle Paméla (1) que madame
de Genlis avait amenée chez moi. Elle était alors dans toute sa
fraîcheur et vraiment ravissante; aussi entendions-nous toute la
horde crier : Voilà, voilà celle qu'il nous faudrait pour reine!
Paméla allait et revenait sans cesse au milieu de cette dégoûtante
populace, ce qui me donna bien tristement à penser.
Peu après je retournai chez moi,
mais je ne pouvais y vivre, La société me semblait être en dissolution
complète, et les honnêtes gens sans aucun appui; car la garde nationale
était si singulièrement composée qu'elle offrait un mélange aussi
bizarre qu'il était effrayant. Aussi la peur agissait-elle sur tout
le monde; les femmes grosses que je voyais passer me faisaient peine;
la plupart avaient la jaunisse de frayeur. J'ai remarqué au reste,
que la génération née pendant la révolution, est en général beaucoup
moins robuste que la précédente : que d'enfans en effet, à cette
triste époque, ont dû naître faibles et souffrans.
M. de Rivière, chargé d'affaires
de la Saxe, dont la fille avait épousé mon frère, vint m'offrir
de me donner l'hospitalité, et je passai chez lui deux semaines
au moins. C'est là que je vis porter le buste du duc d'Orléans et
celui de M. Necker qu'une nombreuse populace suivait, en proclamant
à grands cris que l'un serait leur roi et l'autre leur protecteur!
Le soir ces honnêtes gens revinrent, ils mirent le feu à la barrière
qui se trouvait au bout de notre rue ( la rue Chaussée-d'Antin ),
puis ils dépavèrent, ils établirent des barricades, en criant :
« Voilà les ennemis qui arrivent. » Les ennemis n'arrivaient point;
hélas ! ils étaient dans Paris.
Quoique je fusse traitée chez M.
de Rivière comme un de ses enfans, et que je pusse me croire en
sûreté chez lui puisqu'il était ministre étranger, mon parti était
pris de quitter la France. Depuis plusieurs années, j'avais le désir
d'aller à Rome. Le grand nombre de portraits que je m'étais engagée
à. faire m'avait seul empêché jusqu'alors d'exécuter mon projet;
mais, si l'instant de partir devait jamais arriver pour moi, certes,
il était venu, je ne pouvais plus peindre : mon imagination attristée,
flétrie par tant d'horreurs, cessait de s'exercer sur mon art; d'ailleurs,
des libelles affreux pleuvaient sur mes amis, sur mes connaissances,
sur moi-même, hélas! et quoique, grâce au ciel, je n'eusse jamais
fait de mal à personne, je pensais un peu comme celui qui disait
: « On m'accuse d'avoir pria les tours de Notre-Dame; elles sont
encore en place; mais je m'en vais, car il est clair que l'on m'en
veut. »
Je laissais plusieurs portraits commencés,
entre autres celui de mademoiselle Contat; je refusai aussi dans
ce moment de peindre mademoiselle de La Borde (depuis duchesse de
Noailles), que son père m'amena : elle avait à peine seize ans et
elle était charmante; mais il ne s'agissait plus de succès, de fortune;
il s'agissait seulement de sauver sa tête. En conséquence, je fis
charger ma voiture, et j'avais mon passeport pour partir le lendemain
avec ma fille et sa gouvernante, lorsque je vis entrer dans mon
salon une foule énorme de gardes nationaux avec leurs fusils. La
plupart d'entre eux étaient ivres, mal vêtus, et portaient des figures
effroyables. Quelques-uns s'approchèrent de moi, et me dirent dans
les termes les plus grossiers que je ne partirais point, qu'il fallait
rester. Je répondis que, chacun étant appelé alors à jouir de sa
liberté, je voulais en profiter pour mon compte. A peine m'écoutaient-ils,
répétant toujours : « Vous ne partirez pas, citoyenne, vous ne partirez
pas. » Enfin ils s'en allèrent!, je restai plongée dans une anxiété
cruelle, quand j'en vis rentrer deux, qui ne m'effrayèrent pas,
quoiqu'ils fussent de la bande, tant je reconnus vite qu'ils ne
me voulaient point de mal. — Madame, me dit l'un, nous sommes vos
voisins; nous venons vous donner le conseil de partir, et de partir
le plus tôt possible. Vous ne pourriez pas vivre ici, vous êtes
si changée que vous nous faites de la peine (2). Mais n'allez pas
dans votre voiture; partez par la diligence, c'est bien plus sûr.
Je les remerciai de tout mon cœur,
et je suivis leurs bons avis. J'envoyai donc retenir trois places,
voulant toujours emmener ma fille, qui avait alors cinq ou six ans;
mais je ne pus les avoir que quinze jours plus tard, tout ce qui
émigrait partant comme moi par la diligence.
Enfin, ce jour si attendu fut le
5 octobre, le jour même où le roi et la reine furent amenés de Versailles
à Paris au milieu des piques ! Mon frère fut témoin de l'arrivée
de Leurs Majestés à l'Hôtel-de-Ville; il entendit le discours de
M. Bailly, et comme il savait que je devais partir dans la nuit,
il revint chez moi vers dix heures du soir. — Jamais, me dit-il,
la reine n'a été plus reine qu'aujourd'hui, lorsqu'elle est entrée
d'un air si calme et si noble au milieu de ces énergumènes. Puis
il me rapporta cette belle réponse qu'elle avait faite à M. Bailly
: « J'ai tout vu, tout su, et j'ai tout oublié. »
Les évènemens de cette journée m'accablaient
d'inquiétude sur le sort de Leurs Majestés et sur celui des honnêtes
gens, en sorte qu'à minuit, on me traîna à la diligence dans un
état qui ne peut se décrire. Je redoutais extrêmement le faubourg
Saint-Antoine, que j'allais traverser pour gagner la barrière du
Trône. Mon frère, le bon Robert, et mon mari m'accompagnèrent jusqu'à
cette barrière, sans quitter un instant la portière de la diligence.
Ce faubourg, dont nous avions une si grande peur, était d'une tranquillité
parfaite; tous ses habitans, ouvriers et autres, avaient été à Versailles
chercher !a famille royale, et la fatigue du voyage les tenait tous
endormis.
J'avais en face de moi, dans la diligence,
un homme extrêmement sale, et puant comme la peste, qui me dit fort
simplement avoir volé des montres et plusieurs effets. Heureusement
il ne voyait rien sur moi qui pût le tenter; car je n'emportais
que très peu de linge et quatre-vingts louis pour mon voyage. J'avais
laissé à Paris mes effets, mes bijoux, et le fruit de mon travail
était resté dans les mains de mon mari qui dépensa tout(3), ainsi
que je vous l'ai déjà dit.
Le voleur ne se contentait pas de
nous raconter ses hauts faits, il parlait sans cesse de mettre à
la lanterne telles ou telles gens, nommant ainsi une foule de personnes
de ma connaissance. Ma fille trouvait cet homme bien méchant; il
lui faisait peur, ce qui me donna le courage de dire : « Je vous
en prie, monsieur, ne parlez pas de meurtre devant cette enfant.
»
Il se tut, et finit par jouer à la
bataille avec la petite. Il se trouvait en outre, sur la banquette
où j'étais assise, un forcené jacobin de Grenoble, âgé de 50 ans
environ, laid, au teint bilieux, qui, chaque fois que nous arrêtions
dans une auberge pour dîner ou pour souper,se mettait à pérorer
dans son sens de la plus terrible façon. Dans toutes les villes,
une foule de gens arrêtaient la diligence pour apprendre des nouvelles
de Paris. Notre jacobin s'écriait alors : « Soyez tranquilles,
mes enfans; nous tenons à Paris le boulanger et la boulangère. On
leur fera une constitution; ils seront forcés de l'accepter, et
tout sera fini.» Les gobe-mouches, dont on montait ainsi les têtes,
croyaient cet homme comme un oracle. Tout cela me faisait cheminer
bien tristement. Je ne craignais plus pour moi-même; mais je craignais
pour tous, pour ma mère, mon frère, mes amis. Je tremblais aussi
sur le sort de Leurs Majestés; car tout le longue la route, presque
jusqu'à Lyon, des hommes à cheval s'approchaient de la diligence,
pour nous dire que le roi et la reine étaient massacrés, que Paris
était en feu. Ma pauvre petite fille devenait toute tremblante;
elle croyait voir son père et notre maison brûlés, et quand mes
efforts parvenaient à la rassurer, arrivait bientôt un autre homme
à cheval qui nous répétait ces horreurs.
Enfin, j'entrai dans Lyon; je me
fis conduire chez M. Artaut, négociant, que j'avais quelquefois
reçu chez moi, à Paris, ainsi que sa femme. Je les connaissais peu
tous deux; mais ils m'avaient inspiré de la confiance, vu que nos
opinions étaient entièrement les mêmes sur tout ce qui se passait
alors. Mon premier soin fut de leur demander s'il était vrai que
le roi et la reine eussent été massacrés, et, grâce au ciel, pour
cette foison me rassura!
Monsieur et madame Artaut eurent
d'abord quelque peine à me reconnaître, non-seulement parce que
j'étais changée à un point inimaginable, mais aussi parce que je
portais le costume d'une ouvrière mal habillée, avec un gros fichu
me tombant sur les yeux. J'avais eu lieu dans la route de m'applaudir
d'avoir pris cette précaution: je venais d'exposer au salon le portrait
qui me représente avec ma fille dans mes bras (4). Le jacobin de
Grenoble parla de l'exposition, et fit même l'éloge de ce portrait.
Je tremblais qu'il ne me reconnût; j'employai toute mon adresse
à lui cacher mon visage : grâce à ce soin et à mon costume, j'en
fus quitte pour la peur.
Je passai trois jours à Lyon dans
la famille Artaut. J'avais grand besoin de ce repos; mais à l'exception
de mes hôtes, je ne vis personne de la ville, désirant conserver
le plus strict incognito. M. Artaut arrêta pour moi un voiturier,
auquel il dit que j'étais sa parente. Il me recommanda fortement
à ce brave homme, qui eut en effet pour moi et pour ma fille tous
les soins imaginables.
Je ne puis vous dire ce que j'éprouvai
en passant le pont Beauvoisin. Là seulement je commençai à respirer,
j'étais hors de France, de cette France qui pourtant était ma patrie,
et que je me reprochais de quitter avec joie. L'aspect des monts
parvint à me distraire de toutes mes pensées, je n'avais jamais
vu de hautes montagnes; celles de la Savoie me parurent toucher
au ciel avec lequel un épais brouillard les confondait. Mon premier
sentiment fut celui de la peur, mais je m'accoutumai insensiblement
à ce spectacle, et je finis par admirer.
Le paysage du chemin des échelles
me ravit; je crus voir la Galerie des Titans, et je l'ai toujours
appelé ainsi depuis. Voulant jouir plus complètement de toutes ces
beautés, je descendis de voiture; mais à moitié du chemin à peu
près je fus saisie d'une grande terreur; car on exploitait au moyen
de la poudre une partie de rochers; il en résultait l'effet d'un
milliers de coups de canon, et ce bruit, se répétant de roche en
roche, était infernal.
Je montai le mont Cénis, comme plusieurs
étrangers le montaient aussi; un postillon s'approcha de moi : —
Madame devrait prendre un mulet, me dit-il, car monter à pied, c'est
trop fatigant pour une dame comme elle. Je lui répondis que j'étais
une ouvrière, bien accoutumée à marcher. — Ah ! reprit-il en riant,
madame n'est pas une ouvrière, on sait qui elle est. — Eh bien,
qui suis-je donc? demandai-je. Vous êtes madame Lebrun, qui peint,
dans la perfection, et nous sommes tous très contens de vous savoir
loin des méchans. Je n'ai jamais pu deviner comment cet homme avait
pu savoir mon nom; mais cela m'a prouvé combien les jacobins avaient
d'émissaires. Heureusement je ne les craignais plus; j'étais hors
de leur exécrable puissance. A défaut de patrie, j'allais habiter
des lieux où fleurissaient les arts, où régnait l'urbanité; j'allais
visiter Rome, Naples, Berlin, Vienne, Pétersbourg, et surtout, ce
que j'ignorais alors, chère amie, surtout, j'allais vous trouver,
vous connaître et vous aimer.
(1) Elle a épousée depuis lord Fitz-Gerald, dont elle est veuve maintenant, car elle vit encore, mais bien changée. ( Note de l'Auteur.)
(2) La veille de mon départ, j'allai chez ma mère, qui ne me reconnut qu'à mon son de voix. Il n'y avait pas trois semaines que nous nous étions vues.
(3)) J'ai vécu dans l'étranger des portraits que je faisais. Bien loin que M. Lebrun m'ait jamais fait passer de l'argent, il m'écrivait des lettres si lamentables sur sa détresse, que je lui envoyai une fois mille écus et une autre fois cent louis, de même que plus tard j'envoyai la même somme à ma mère.
(4) J'avais fait ce portrait pour M. d'Angevilliers. Il a été soustrait à son propriétaire lors de l'émigration, et porté depuis au ministère de l'intérieur.
Extrait du livre :
Souvenirs de Madame Louise-Elisabeth Vigée Lebrun
Edition : Librairie de H. Fournier - Paris 1835