Georges-Louis Leclerc de Buffon
François-Hubert Drouais
NOTES ET PORTRAITS
M. DE BUFFON.
Je suis allée, en 1785, avec mon frère et M. le comte de Vaudreuil, dîner chez cet homme si célèbre comme savant et comme écrivain. Buffon était déjà fort vieux, puisqu'il est mort trois ans après, âgé de quatre-vingt-un ans. Je fus d'abord frappée de la sévérité de sa physionomie; mais dès qu'il se fut mis à causer avec nous, nous crûmes voir s'opérer une métamorphose; car son visage s'anima au point qu'on pouvait dire de lui avec toute vérité que le génie étincelait dans ses yeux. Nous le quittâmes pour aller à table; lui resta dans son salon, ne mangeant plus alors que des légumes. Son fils et sa jolie belle-fille firent les honneurs du dîner, après lequel nous retournâmes au salon pour y prendre le café. Une conversation s'étant établie, M. de Buffon en fit presque tous les frais, et parut se plaire à la prolonger; il nous récita de mémoire plusieurs fragmens de ses ouvrages, qui nous charmèrent doublement par la chaleur et l'expression qu'y prêtait l'accent du génie. Nous le quittâmes assez tard, avec un grand regret, et j'étais tellement enthousiasmée de lui, que j'enviais beaucoup le sort de son fils et de sa belle-fille, qui pouvaient tous les jours le voir et l'entendre.
Extrait du livre :
Souvenirs de Madame Louise-Elisabeth Vigée Lebrun
Édition : Librairie de H. Fournier - Paris 1835