Le réveil |
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La fin du XVIIIe siècle va voir une véritable prise de conscience des femmes peintres françaises de leur statut particulier en tant qu'artiste, notamment visible à travers l'émergence des premiers autoportraits de femmes peintres à leur travail. Ce retard par rapport au reste de l'Europe est probablement lié à la différence de statut professionnel accordé aux hommes et aux femmes en France. Tandis que la France est déchirée par les guerres de religion, en Allemagne, en Italie et aux Pays-Bas, là où les villes connaissent un vif développement artistique, les premiers autoportraits de femmes peintres à leur travail apparaissent dès le milieu du XVIe siècle. D'abord en Flandre, avec Catarina van Hemessen, puis en Italie avec Sofonisba Anguissola et Artemisia Gentileschi. Les femmes, souvent issues de la bourgeoisie et les peintres qui évoluent dans ce milieu tiennent salon. Ces petits comités essentiellement masculins se réunissent souvent sous la protection de femmes qui leur garantissent une certaine liberté. Certaines femmes appartenant aux classes privilégiées se posent en effet en protectrices et rien, ou pas grand-chose, ne peut leur interdire une telle attitude. Ces « salons particuliers » reprennent la tradition des cercles des reines et des princesses à la cour qui émergent dès le xve siècle. Tenir un salon est une activité recherchée, car elle permet de prouver leur pouvoir d'attraction par la qualité des invités et la réputation d'un salon repose sur la qualité des invités. C'est dans le cadre de ces salons que les Lumières prennent leur essor en favorisant les libres débats.
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En France, l'Académie royale de peinture et de sculpture n'admit une femme, Catherine Girardon, qu'en 1663, 15 ans après sa création. L'Académie reçut plusieurs dizaines de femmes au cours de son siècle et demi d'existence ; elle n’en admit pourtant aucune comme « peintre d'histoire », genre supérieur qui seul donnait accès au titre de professeur. En 1710, l’Académie émit une résolution, non suivie, de ne plus admettre de femmes. Le 31 mai 1783, dans la même séance où elle recevait Adélaïde Labille-Guiard, elle fixa le nombre des académiciennes à quatre. La fin de l'obligation d'être membre d'une corporation, dont les femmes étaient la plupart du temps exclues, pour pouvoir exercer un métier va donner aux femmes l'accès au travail. Avec le siècle des Lumières et de la Révolution, il s’agit désormais pour les femmes de « construire un nouveau monde », avec d’autres représentations témoignant de réalités différentes, en particulier sur la nature même des femmes. La philosophie des lumières n'était pas particulièrement favorable à l'émancipation de la femme. Néanmoins les hommes des Lumières ne voient plus en elles l'être soumis et dévalorisé et qualifiée de « bête imparfaite sans foi, sans crainte, sans constance », qui reste une éternelle mineure, dans sa famille puis en tant qu’épouse et mère, mais une partie de « l’espèce humaine commune » et, raisonnant souvent en termes de complémentarité, ils ne continuent pas moins à affirmer leur infériorité physique et intellectuelle, ne manquent pas de valoriser leurs fonctions de reproductrices dociles, un peu fragiles, mais en contrepoint on commence à s’interroger sur leur besoin d’instruction. Sans que pour autant elles obtiennent plus de droits. Bien qu’encore mystérieuse aux yeux des hommes, la femme cesse d’être plus ou moins diabolisée pour devenir un individu pouvant être doué de raison, tandis que les plus hardis se hasardent à penser en termes d’égalité et de complémentarité alors que, dans le même temps, la pratique religieuse résiste mieux chez les femmes que chez les hommes. Avec la révolution les femmes vont obtenir un certain nombre de droits, dont le droit à l’instruction primaire, celui au travail. Elles ont maintenant accès à la citoyenneté ce qui leur permet d'épouser qui elles veulent de divorcer pour simple incompatibilité d'humeur ou par consentement mutuel, cela leur donne également droit à une part égale lors d'un héritage. Malheureusement ce progrès tout relatif et réservé à une élite va être de courte durée. Il sera anéanti par la révolution. En France, l’Académie des beaux-arts leur est interdite, de même qu’il leur faut une dispense pour passer un baccalauréat ou entrer dans une université. La femme perd les droits qu'elle a gagnés récemment et est cantonnée au rôle de modèle ou d'épouse, de mère ou de gouvernante d'artiste. En 1804 le Code civil français appelé plus tard le code Napoléon dont beaucoup de pays s'inspireront, le déclare la femme incapable juridiquement ; elle est sous la tutelle de son père puis de son mari. En revanche, la veuve jouit, en théorie, de la plénitude de ses capacités juridiques, droit de vote exclu. En 1804, le Code Napoléon affirme l’incapacité juridique totale de la femme mariée : on lui interdit l’accès aux lycées et aux universités, elle ne peut pas signer un contrat, ni gérer ses biens, elle est exclue totalement des droits politiques, il lui est interdit de travailler sans l’autorisation du mari et de toucher elle-même son salaire, le mari a le contrôle sur la correspondance et les relations et elle ne peut pas voyager à l’étranger sans son autorisation. Contrairement à celui d'un l'homme, l'adultère commis par une femme sera très durement puni et les mères célibataires et les enfants naturels n’ont aucun droit. Napoléon définit sans ambiguïté la place de la citoyenne dans la société à l’article 1124 de ce monument de misogynie qu’est le code civil : les personnes privées de droits juridiques sont les mineurs, les femmes mariées, les criminels et les débiles mentaux. En 1816 la restauration abolit le divorce. En 1832, le viol, qui est jusque-là un délit en France, est désormais un crime, mais c’est le père ou le mari qui est considéré comme lésé. Pourtant la phrase célèbre de Vigée Lebrun, «Les femmes régnaient alors, la Révolution les a détrônées. », n'est que faussement féministe si on la met dans son contexte, il s'agit plutôt de nostalgie de la vie de privilégiée qu'elle a menée avant. Les Souvenirs de Mme Vigée-Lebrun ne sont pas un fidèle reflet de la situation des femmes dans la société de la fin de l’Ancien Régime. C'est un texte très partisan, celui d’une femme dont la vie et la carrière ont été bouleversées par la Révolution. L’auteur associe les révolutionnaires au mal et à la décadence, l’aristocratie et les élites éclairées au bien et au bon goût. Les faits sont déformés, non seulement par la position contre-révolutionnaire de l’auteur, mais aussi par son souci de léguer à la postérité l’image la plus favorable possible. |
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